23 avril 2021

Cher journal, j’adore les aventures collectives mais là je crois que je suis en manque d’action. Je suis consternée de danser seule encore. Je comble l’attente par des heures de veille, fatigue factice si peu satisfaisante. Aujourd’hui je suis las de mon inertie. Je me sens moitié louve, moitié canarde, déchirée entre l’envie de mordre le temps et celle de m’expatrier vers un ailleurs intérieur. Et si tous ces sentiments contradictoires n’étaient que le prologue d’une prodigieuse mutation ? Mon cœur change, et ce n’est pas sale… Cet après-midi j’ai vu tonton Mimax au téléphone, il danse bien. Une jambe à la fois et plutôt slowliment, mais c’est déjà une chouette nouvelle.

L’inédit de la semaine : Prélude n°2

Il n’y a pas de préliminaire.

Sans détour donc, voici le retour de la magnifique ♡ team Witchduck ♡ : Marylou Abdelghani au saxophone ténor électrifié, et McG. à la flûte traversière, yeah ! Toujours en liberté, la team mi-sorcière/mi-canard nous offre un Prélude n°2 pour quintet à vent, et c’est un grand honneur/bonheur ! Avec le retour de ces Drones de Dames notre cœur chavire et nos oreilles s’embrasent… En bonus, toujours pas de corbeaux cette semaine, mais un paquebot vénitien dans une vidéo minimaliste, riquiquimaliste même !
– Un prélude, ça se danse comment ? me demandait ma fille hier au soir.
– Comme ça ! lui répondis-je.
Et toi, tu guinches ça comment ?

June 1981, Storrs, Connecticut.

(…) I have suckled the wolfs lip of anger and I have used it for illumination, laughter, protection, fire in places where there was no light, no food, no sisters, no quarter. We are not goddesses or matriarchs or edifices of divine forgiveness; we are not fiery fingers of judgment or instruments of flagellation; we are women forced back always upon our woman’s power. We have learned to use anger as we have learned to use the dead flesh of animals, and bruised, battered, and changing, we have survived and grown and, in Angela Wilson’s words, we are moving on. (…)

Audre Lorde, The Uses of Anger : Women Responding to Racism

(…) J’ai léché les lèvres d’une louve, la colère, et je m’en suis servie pour illuminer, rire, protéger, mettre le feu en des lieux où il n’y avait ni lumière, ni nourriture, ni sœurs, en des lieux sans merci. Nous ne sommes pas des déesses, ni des matriarches, ni les édifices du pardon divin ; nous ne sommes pas les doigts de feu du jugement dernier, ni des instruments de flagellation ; nous sommes des femmes toujours obligées de nous interroger sur notre puissance de femmes. Nous avons appris à utiliser la colère comme on utilise la chair morte des animaux. Et blessées, maltraitées, en nous transformant, nous avons survécu et grandi, et selon les mots d’Angela Wilson, nous continuons notre chemin. (…)

Traduction Magali Calise 

Gros bisous,
Frédéric, Matthias & Sylvain.

La vidéo bonus de la semaine : La Grande Lagune

05 février 2021

Cher journal, nous sommes déjà en février, comme le temps passe vite quand on s’amuse ! Drôle de rêve cette nuit, je me suis réveillée en riant, ça m’a fait pleurer. Je naviguais sur une embarcation de fortune, vent dans le dos, quand un mur invisible m’empêcha d’aller plus loin. Le vent soufflant toujours, de plus en plus fort, je me sentais comprimée, j’étouffais mais je n’avais pas peur, consciente de mon statut de rêveuse. Sous pression, mon radeau se brise soudainement, et je chute dans un ciel nocturne, clair et dégagé. La Terre se met à tourner autour de moi, valsant avec les étoiles, et j’ai l’impression de tomber vers le haut. Un scintillement familier à la frontière de la voûte céleste attire mon attention, m’éblouit de chaleur et me remplit de joie. Tout en accélérant vers la lueur, je chante, à toute vitesse, exagérément vite, précipitée, enfiévrée, je ris, je suis hilare, je suis vivante.

L’inédit de la semaine : La Grande Lagune

Retrouver la fièvre…

Cette semaine, La Grande Lagune, improvisation à la manière des surréalistes, dont le titre est tiré d’un texte sublime de Greta Knutson, femme artiste invisibilisée comme tant d’autres. Essayer d’en savoir plus sur elle et sur son œuvre, voilà qui devrait vous occuper quelques soirées… Allez, comme on vous aime bien, voici en guise de mise en bouche le début de sa Lagune qu’on aime tant. On voulait vous expliquer un peu plus notre cuisine interne, comment sont préparées puis montées les improvisations, vous dire à quel point on croit en une fièvre inventive qu’il faut entretenir, pas facile tous les jours, et puis on s’est dit que non, que vous aviez déjà les oreilles pour écouter et le cœur pour battre la mesure, et que ça, c’est déjà tant…

Pour Mac, tendrement, infiniment.

La Lagune

Le pays n’avait plus de nom,
aucun voyageur ne connaissait plus son emplacement.
Le temps y dormait sous les cloches des églises effondrées.
La langue avec ses récits chantés était oubliée,
plantes et arbres des anciens étaient retournés à leur état sauvage ;
dans les bois rôdaient des taureaux et des béliers
qu’aucun chasseur n’eût osé approcher.

La grande lagune étendait ses eaux claires jusqu’à la mer,
scintillant au loin.

(…)

Greta Knutson, Lunaires

Gros bisous,
Frédéric, Matthias & Sylvain.

Qui boira le vin nouveau ?
Croquis hétérogène anonyme inédit, XXIème siècle