16 juin 2023

Cher journal, la nuit de son velours ardent vient clore le chapitre de ce jour. J’ai toujours un pincement à ce moment où il faut renoncer, se résigner. C’est la perspective d’une nouvelle aube éphémère qui finit par me réjouir et me fait lâcher prise. La promesse que le sable demain accueillera nos traces à nouveau est une caresse. Peu importe que celles d’hier aient disparu si inexorablement, le temps esquisse sa danse autour de nos ombres. Un sillage apparait en filigrane, et c’est heureux : les rides impriment le reflet de nos passions tant que nous serons. Je suis.

L’inédit de la semaine : Quasi andante senza due mandolini

Bis !

En janvier dernier nous avons eu l’immense honneur d’être invités par les merveilleuses Marie-Christine Mazzola & Gaël Ascal à l’Atelier des Bourdons pour y faire un concert en trio. Nous avions carte blanche, alors nous proposâmes de faire un concert entièrement improvisé, de l’enregistrer et de lui donner une deuxième vie ici même sous forme d’une Suite en quatre mouvements. Retrouvez l’intégrale ici ! Nous étions tellement bien en compagnie de ce public chaleureux que nous cédâmes à la tentation du rappel :)) Le voici donc restitué ici pour vous, une dernière danse qui fait écho à un certain concerto de Vivaldi que nous chérissons particulièrement. Comme une caresse dans un gant de crin. Oui, on aime ça comme ça, les caresses.

Le Gardien

Ne commencez-vous pas à comprendre ? Ce qui est à l’origine de la vénération du Docteur pour les objets, ce sont les particules d’histoire, uniques et inaltérées, qui se trouvent à l’intérieur de chacun d’eux, du plus humble trombone, ou du rond de sous-tasse en papier, au plus rare et irremplaçable des trésors. Le dernier espoir de l’histoire repose ici, dans ces ennemis du temps, muets, non-nés et non-morts. Sans eux, sans cet endroit où les garder et les soigner comme ils le méritent, nous nous retrouverions tous orphelins d’un interminable présent, sans un passé assez solide auquel nous accrocher, et sans l’illusion d’un futur devant nous. 

(…)

Où d’autre pensez-vous que réside l’histoire ? Pensez-vous vraiment que ce soit dans quelque chose d’aussi éphémère que les mots ? Croyez-vous vraiment les récits dont on nous a rempli la tête, ces vérités déformées, ces mensonges inventés dans l’effort futile d’imposer, au hasard, un schéma rassurant par l’assemblage d’éléments disparates en une arbitraire chaîne chronologique de causes et de conséquences ? Réveillez-vous, bon sang ! Regardez autour de vous. Êtes-vous aveugles ? Ne voyez-vous pas ce que cet homme a bâti ? Ne sentez-vous pas le pouvoir qui émane des choses qui se trouvent exposées ici – oui, en partie à cause du simple fait que, malgré leur envahissante obsolescence, elles menacent de durer et de nous survivre à tous, carcasses grouillantes de ce qui fut et qui n’est plus, mais aussi à cause de la terrible attraction qu’elles exercent les unes sur les autres. Ne la sentez-vous pas ? Ne sentez-vous pas à quel point le marteau a désespérément besoin du clou, à quel point la gravure se fige elle-même autour des contours de son cadre, ne sentez-vous pas ce magnétisme si puissant que vous pourriez facilement vous retrouver victime imprévue de sa lame de fond ?

Doon Arbus
, The Caretaker (2020)

Gros bisous,
Frédéric, Matthias & Sylvain.

Three female impersonators
Diane Arbus, 1962
ENORME merci aux Tipeuses/eurs de cette semaine :
Marionette & ses moutons, Anouck & Nicolas, Odile & Christian, Gilles & Dominique, Claude & Cédric, Didier, Kali, Céline & José, Geneviève & Laurent, Lydie & Jean-Georges, Anne & François, Catherine & Daniel, Anne-Laure, Maarite & Charles, Jeanloulou, Anja, Estelle & Antoine, Nathalie & Fabien, Sufei, Isabelle & Olivier.